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  • Dialogue

    Ce court texte d’introduction au dialogue permet d’en explorer la signification et d’en comprendre l’urgence.

    Par dialogue, nous parlons ici d’une exploration collective radicalement différente des discussions et des débats. Nos structures sociales actuelles, à l’Assemblée nationale comme dans les réunions d’entreprises ou d’associations, sont dominées par des thématiques précises et des identités qui expriment et défendent leurs points de vues, leurs connaissances. À l’inverse, le dialogue est une exploration collective sans but spécifique. Il place la relation et le groupe au-dessus des individus et de leurs égos.

    En particulier, le dialogue propose d’explorer la pensée humaine et suggère qu’elle est la principale source d’incohérence et de conflit dans ce monde. Cet outil remarquable que nous utilisons justement pour résoudre nos difficultés et nos conflits, serait responsable de nos principales crises et de nos échecs ? Comment est-ce possible ?


    La pensée fonctionne en créant des représentations des choses. Des images. Même si je n’ai jamais voyagé en Afrique, j’ai une représentation des Africains et de leur mode de vie. Nous avons des images pour nos amis, notre voiture et notre labrador. Nos images sont toujours incomplètes - et parfois complètements fausses - mais elles dictent nos réactions et nos comportements. La pensée les appelle en un instant, parfois sans qu’on en ait conscience.

    Certaines représentations sont utiles et cohérentes. Quand nous les agissons selon elles, nous obtenons le résultat espéré. Nous atteignons notre destination en suivant la carte. Notre ami réagit comme prévu. Notre pensée et juste et elle nous rend service. Mais il arrive très souvent que nos représentations soient fausses ou incomplètes. Nos actions ne produisent pas le résultat attendu, ou seulement en partie.

    Hélas, nous ne voyons pas toujours ces incohérences et nous avons du mal à remettre en question nos représentations. Trop souvent, nous répétons nos erreurs et certaines sont capitales.


    Un premier exemple d’erreur critique de la pensée est son réflexe de séparer les hommes. Elle crée les nations, les partis, les tribus, les familles et les équipes. Des groupes entièrement constitués par la pensée qui créent d’innombrables conflits sur terre. Chaque sous-groupe se prétend indépendant, souverain et supérieur au point de défendre ses opinions et ses croyances, allant parfois jusqu’à employer la force. Ces séparations sont illusoires et ces groupes sont largement interdépendants. Cette fragmentation est pratique mais elle est aussi dangereuse. Elle devient réelle. La pensée divise les hommes et mène aux querelles, aux conflits et aux guerres. Est-il possible d’aider l’homme à percer ces illusions ?

    Nous suggérons qu’un dialogue apaisé et attentif peut nous recentrer sur ce lien. Nous proposons de construire une relation approfondie et cohérente au lieu de séparer les individus. Naturellement, cette exploration doit être collective. Elle doit permettre une observation attentive de nos représentations individuelles et collectives. Nous explorons nos croyances accumulées, nos conclusions hâtives, nos conditionnements ou nos blocages. Cet espace requiert une grande écoute et une profonde sensibilité à l’autre pour voir émerger une véritable communication.


    Le fait que nous soyons largement inconscients des interventions de la pensée est encore plus problématique. Elle participe pourtant massivement à notre monde et à nos décisions. Elle crée la culture, la société, nos voitures, nos outils… Et elle prétend ne rien faire et juste « montrer comment sont les choses ». Elle vous donne la fausse impression que « vous » contrôlez le processus de pensée et que « vous » traitez les informations. Alors que ce sont les informations qui vous contrôlent. Comment détecter nos propres incohérences si notre pensée refuse de les voir ?

    Nous suggérons à nouveau qu’un dialogue libre et sincère, dans un groupe diversifié et soucieux des autres, est une occasion de prendre conscience de vos réflexes de pensées. C’est une opportunité d’observer nos préjugés et nos représentations incohérentes. Le dialogue suggère d’établir ensemble une carte plus juste du fonctionnement de la pensée humaine. Une vision plus large, complète et sans préjugé. Au potentiel libérateur.


    Concrètement, un groupe de dialogue est constitué d’au moins dix personnes qui se réunissent plusieurs fois. Tous acceptent la remise en question. Ils suspendent leurs idées et leurs jugements, pour privilégier l’attention, l’écoute et l’observation. C’est l’essence même de cette forme d’éducation.

    Il n’y a aucune relation d’autorité entre les membres et tous exercent librement leur pensée. La présence d’un facilitateur possédant cette « vision du dialogue » sera souvent nécessaire lors des premières sessions, mais le groupe s’équilibrera vite et ce dernier pourra s’effacer naturellement.

    Notes

    [1] : Note


    Merci à Fabrice Jimenez, Gaëlle Albertus, Liliane Bonnet et Coralie Marcadier pour avoir relu cet essai.

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